Anesthésie

Une expérience d'anesthésiste à Diego-Suarez

Tout a commencé en Mars 2015...
Dr Laurène, ma copine gynéco, me propose de venir avec elle à Madagascar pour une mission chirurgicale de gynécologie, 15 jours début Mai...compte tenu du délai...de l'organisation...enfants...mari/femme...activités pro diverses et variées....nous nous sommes partagés la mission...le Dr Jean Sébastien a fait la première semaine et moi, le Dr Marjorie...la deuxième...A Mada, tout le monde s'appelle par son prénom...j'ai vite compris pourquoi en voyant les noms de famille à rallonge des premières patientes...
Je suis arrivée cette fameuse deuxième semaine...tout était déjà lancé...nous avions déjà débriefé avec le Dr Jean Sébastien...merci face time..et j’avais les mails de l’anesthésiste Atanase et du chirurgien Mamitsoa…
Me voilà fraichement débarquée dimanche 3 Mai 20h30 au resto à Diégo...après 3h30 de TGV, 1 nuit dans l'avion, 1/2h de taxi, ½ h de bateau et 7h de 4X4..Je découvre enfin l'équipe de Terre Rouge 15 filles et garçons, infirmières, gynécos, médecins généralistes, cartographe, sage femme, photographe...excellente soirée merci à toutes et tous pour votre accueil.

Lundi, départ 8h en touc-touc pour Dr Laurène, moi et mes 26 Kg de matériel pour l'hôpital...rapidement j'ai été présentée à l'équipe locale par le Major du Bloc...2 IADES, l'anesthésiste Atanase, les chirurgiens et le personnel du bloc, fait notable car malheureusement dans les missions précédentes, ils ne voyaient souvent personne..
Pour notre salle, 3 patientes prévues avec l'équipe de Terre rouge : Dr Amandine et Dr Laurène toutes deux Gynéco, Dr Marine Interne de gynéco, Julie infirmière de Bloc et moi, l'anesthésiste...entre copines au bloc...jusque là tout va bien...nous avions privilégié avec le Dr Jean Sébastien les rachi anesthésies (c'est à dire n'endormir que le bas)...c'est là que j'ai été très rapidement mise dans le bain malgache...1ère patiente échec de rachianesthésie...et pourtant on a tout essayé...l'anesthésiste en place Atanase, et les deux IADES... c'est là que j'ai compris que les IADES font aussi les rachianesthésies, en fait il n'y a qu'un anesthésiste pour tout l'hôpital... les gardes sont réparties entres les IADES et l'anesthésiste... après ce cuisant échec (mais même l'équipe de Diégo n'a pas réussi à venir à bout de ce dos rebelle...ouf pour ma petite fierté personnelle), j'ai débuté ma première anesthésie générale avec un respirateur sans capnographe et sans analyseur de gaz.... avec l'halotane gaz décrit dans mes premiers cours de pharmacologie...un curare jamais utilisé et surtout pas de scope... un tensiomètre automatique et un saturomètre...d'entrée si je reviens il faut prévoir deux ou trois accessoires supplémentaires (il existe une association de bio médicaux en France qui retape de vieux appareils... je vais creuser ça et en amener un pour une prochaine mission...obligatoire)... les idées fusaient... j'ai alors démarré une liste sur un calepin avec nos besoins pour une mission 2016...Il faut au moins avoir des curares...sur l’hôpital de Diego il n'y a pas de célocurine et pourtant c'est le curare de référence pour les inductions en séquence rapide c'est à dire pour les patients estomac plein (accidentés, femmes enceintes, patient en occlusion …), on en avait pas pris car chez nous ces mêmes curares sont conservés dans un réfrigérateur…(j'ai appelé le labo qui dit qu'après 48H le principe actif serait encore efficace…) Un autre point le seul gaz anesthésique disponible est l'halothane et il peut causer, heureusement rarement, une complication mortelle l'hyperthermie maligne, pour laquelle il existe un antidote le dandrolène (ce médicament est obligatoire dans tous les blocs en France) il nous en faut absolument pour une prochaine mission afin d'éviter une catastrophe évitable... de même pour l'utilisation des anesthésiques locaux s'il y a passage des produits en intravasculaire les complications peuvent aller jusqu'à l'arrêt cardiaque il existe un antidote l'intralipide non disponible à Diégo (obligatoire également en France), comme je pensais faire essentiellement de l'ALR j'avais pensé à en prendre et leur en est laissé au bloc en partant...mais le dandrolène je n'ai pas pensé qu'il ne puisse y en avoir...
Nous avons sortie notre première patiente, extubée, en salle de réveil, 6 lits 4 pour les malades et deux pour le personnel... 4 prises d'O2 avec lunettes à usage multiple... une aspiration mécanique au pied et c'est tout...pas de scope juste un stéthoscope et un tensiomètre...il semble évident qu'un équipement minimum par au moins un scope serait un vrai plus...ne parlons pas d'un respirateur de transport...
Poursuite de la journée, avec au milieu des blocs, qui heureusement ce sont mieux déroulés que le premier, plusieurs consultations d'anesthésie... au départ je les ai vu en bas mais en fait n'ayant pas de téléphone j'en ai vu ensuite au bloc, merci aux lions, lionnes et léo...qui ont traduit ces consultations... premier constat nous avions utilisé avec Jean Sébastien des feuilles d'anesthésie de la Réunion…mais il eut été plus judicieux d'utiliser les feuilles d'anesthésie de l’hôpital de Diego...les infirmières de salle de réveil et de l'hospitalisation m'avaient signalée qu'elles n'avaient pas l'habitude de nos feuilles...et que cela rendait difficile leur prise en charge...je commençais donc à faire une double prescription des soins post opératoires...sur ma feuille d'anesthésie française au cas où quelqu'un serait intéressé...et ensuite sur une feuille libre pour les soins post opératoires j'avais opté pour faire faire un peu comme les locaux c'est à dire le système du carton, chaque patient avait en préopératoire un carton contenant tout le matériel et les médicaments nécessaires en pré, per et post opératoires. Nous avions tout le nécessaire pour le pré et le per opératoire et pour le post opératoire un carton avec les traitements intraveineux et per os avec logiquement toutes les instructions… mais rapidement j'ai compris que ce n'était pas suivi... par exemple pas de lovénox le premier soir car habituellement il n’est pas délivré avant le deuxième jour...et là un grand méa culpa à l'équipe locale il paraît essentiel d'informer les équipes locales des interventions que nous allons faire et de nos façons de travailler...anticoagulation préventive dès le premier soir, reprise des boissons et de l'alimentation dès le premier soir, lever du patient le plus tôt possible et ablation précoce des sondes y compris urinaires, des cathéters...autant de points qui ne sont pas tout à fait superposables avec les pratiques locales...nous avons donc surtout formé les familles...j'ai installé dans chacune des 2 chambres à 4 lits du manugel et j'ai expliqué aux familles de bien se laver les mains et d'utiliser le manugel avant de toucher le malade, et même chose pour le patient s'il ne peut pas se lever pour se laver les mains on lui met une pression de manugel et il se frotte les mains...premières règles d'aseptie qui m'ont semblée plutôt bien suivies..
En pratique , pour l'an prochain il faut des piluliers pour une distribution et un contrôle des prises correctes des médicaments, informer et former le personnel du bloc et des lits d'hospitalisation, équiper chaque lit d'un distributeur de manugel (les familles étaient très respectueuses du matériel et l'ont utilisé de façon raisonnable, il faut leur expliquer l'enjeu infectieux...)
J'en finis avec l'hospitalisation mais pour les visites nous avions un carton avec toutes nos affaires dedans style foire fouille faute de chariot... alors sans vouloir faire ma psychopathe du rangement ce sera plus simple si on peut récupérer une mallette d'infirmière ou de docteur ce serait pratique...amateurs de vides greniers ou généreux donateurs...
Fin de la première journée sur les rotules, merci à l'œil de Seb qui a immortalisé cette fameuse première à Madagascar...

La deuxième journée, le mardi s'est déroulée avec la même équipe julie/marine/laurène/amandine et moi. Cool je connais tout le monde et ça roule : douche préop par julie qui va accompagner les patientes du service jusqu'au bloc, les perfuse et si dispo pour les surveiller on fait la rachi dans la salle de préinduction juste en face de notre salle, on gagne le temps de nettoyage... je fais la panseuse quand julie s'absente car elle s'occupe des patientes en préop et aussi en post op dans le service... c'est un peu le jeu de chaises musicales ou chacun occupe un peu le poste de l'autre et c'est très bien comme ça, mais il faut que nous ayons des téléphones pour éviter de se chercher...d'où l'intérêt d'avoir des personnes ultramotivées et polyvalentes. Par exemple pour ma partie à moi il est indispensable à deux trois moments stratégiques d'avoir une aide: les rachi se font de façon stériles il faut une deuxième personne et si l'anesthésiste doit s'absenter il faut une personne compétente pour le surveiller mais là une infirmière , un médecin une sage femme peu importe...
Blocs sous rachi, une anesthésie générale, des consultations...journée bien remplie...morte de fatigue mais motivée malgré mes deux heures de sommeil la nuit précédente (merci aux filles qui m'ont monté un bol de riz...et des litres d'eau vive)
Merci à Nicolas, IADE en fin de formation, bénévole à l'hôpital, qui est resté avec moi toute cette journée...il a piqué des rachianesthésies ...et m'a beaucoup appris sur le fonctionnement de l'anesthésie dans l'hôpital et à Madagascar...

Mercredi, troisième journée à Diégo...petit changement dans l’équipe: Olivier et Annabelle remplacent Julie qui est partie vers la Réunion...arrivés au bloc à 7H30 motivés pour commencer le bloc tôt, notre salle d'intervention n’était pas prête et pas de personnel pour nettoyer avant 8H30 nous avons fait le ménage préparé notre patiente et incisé à 8H10....bravo à toutes et à tous...pour l'année prochaine prévoir des lingettes désinfectantes pour le nettoyage...
Et ce jour là bizarrement nous n'avons vu personne pas d'IADE, pas d'anesthésiste, juste le major...ils avaient opéré la nuit et pas de programme pour la journée …
J3 constat vraiment effroyable: nos prescriptions post op sont peu ou pas suivies...il faut améliorer la communication…les prescriptions…grosses remise en question…

Jeudi quatrième et dernière journée au bloc... et là il y a beaucoup de monde...je dois donner un cours au personnel du bloc et débriefé de notre présence au bloc pendant ces 15 jours...j'imagine que c'est pour ça… mais ils savent aussi qu'on part bientôt et que nous allons laissé du matos…et chacun y va de sa petite requête….
A nouveau changement d’équipe: Amandine, Olivier, Annabelle et Marine sont partis ce matin c'est Guilhaume, Jean Louis, Karine et Manue qui sont au bloc. Journée relativement chargée ou on continue à être multitâches et multisites, consultations, rendez vous à la pharmacie, inventaire du matériel restant, choix de ce que l'on donne à l'équipe locale, cours, visites post opératoires...mais là encore chapeau bas…tout le monde a été d'une efficacité redoutable.
Au total pour mon cours il y avait les IADEs au complet, Atanase l'anesthésite et Mamitsoa le chirurgien….nous avons abordé les nouvelles recommandations..nouvelles pratiques…les connaissances sont bien là mais faute de moyens peu ou pas exploitées…la réunion se termine par une remarque de Dr Mamitsoa: pour les mêmes interventions habituellement réalisées les patientes de Terre Rouge sont restées moins hospitalisées, nous les avons moins rempli, elles ont mangé le soir même...elles ont couté moins cher... je leur ai donné les références sur lesquelles nous nous appuyons...et avons promis de bosser la dessus pour le mettre en place de façon protocolée l'année prochaine...durant cette année ils vont de leur côté essayer de les alimenter plus tôt, d'enlever les sondes urinaires plus tôt...
Ce matin là nous avons pu faire un peu d'ALR j'avais fais encore un constat effroyable les enfants en post opératoire avait seulement du paracétamol et des antiinflammatoires...s'ils pleuraient c'est qu'ils étaient capricieux...pas de nubain à l'hopital de Diégo qui est pourtant un antalgique peu couteux et qui peux s'utiliser très souvent chez l'enfant...même non perfusés...je leur ai montré les blocs chez l'enfants et l'intérêt du nubain…intérêt de faire référencer à la pharmacie de l’hôpital quelques médicaments indispensables en anesthésie et en analgésie…

Le Vendredi…dernier jour à Diego pas d’intervention (heureusement …avec la soirée concoctée par Le Lions club…)…visite post opératoire de nos hospitalisées…tout le monde va bien …dernières consignes à Dr Mamitsoa qui prendra le relai…Derniers rangements…derniers au revoir …

Retour vers la Métropole via Nosy Be et stop à la Réunion…Mardi il faut reprendre le boulot…

Au final : pour une première mission le constat est simple super mais trop court...à terme fixer la date de la prochaine mission le plus tôt possible pour faciliter les dispos...
A mon avis, il est inutile de démultiplier les compétences on parlait de l'intérêt d'un IADE Why not??? Mais je pense que 15 personnes c'est déjà beaucoup surtout pour la gestion humaine… (Bravo à Jean Philippe!!! mission sans doute la plus difficile…) Après si plus de blocs pourquoi pas plutôt deux anesthésistes (pas forcément toute la mission) avec un présent tout le temps au bloc et un qui aide au bloc et qui se détache pour le post op la formation du personnel et les consultations....et on alterne sinon en anesthésie pas de souci pour se partager une mission...
Petit regret manque de formation et d'information du personnel du bloc et de l'hospitalisation sur les interventions... point positif les numéros où ils pouvaient vous joindre….
Indispensable pour prochaine mission faire un inventaire au départ, et déballer tout avant d'acheter ...ne pas perdre la liste de l'inventaire fin de mission 2015...
En conclusion c'était ma première à Madagascar, ma première mission humanitaire et j'ai adooooooré... l'équipe, l'ambiance, le taff, le staff...Gardons toujours à l'esprit l’intérêt de la mission, humanitaire donc essayons de le rester…
Utiliser cette année pour partager notre expérience et récolter des fonds…

Idées pour matériel recommandé pour une future mission :
• en plus de tout ce qui est indispensable pour le pré per et post opératoire en anesthésie
• un scope
• solutions hydroalcooliques dans chaque chambre
• lingettes désinfectantes surfaces
• de la célocurine
• un analyseur de gaz
• du dandrolène et intralipides
• des pilluliers
• containers à aiguilles...j'en avais amené un mais en fait il en faudrait au moins trois pour les 15 jours trop dangereux le système de la bouteille d'eau vive coupée
• un téléphone portable pour être joignable
• prévoir une mallette comme celle des infirmières pour faire la visite post opératoire ce sera mieux que le carton..
• prévoir des sacs pour les déchets et aussi pour dispenser les stocks de médocs, perfusions, solutés de remplissage.

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