Sage-femme

Une sage-femme en brousse

 

Madagascar figure encore parmi les pays où un taux élevé de fistules obstétricales est enregistré. En Novembre 2012, 957 cas de fistules obstétricales ont été enregistrées dans tout Madagascar. Selon les statistiques, 2000 nouveaux cas de fistules obstétricales sont enregistrés chaque année à Madagascar.

La fistule obstétricale est un trou dans la paroi du vagin qui survient lors dun accouchement laborieux, prolongé, et le plus souvent sans lassistance dun personnel médical qualifié.

Mission Terre Rouge France

Ma mission de Mai 2015, en tant que sage-femme de lassociation Terre Rouge France, était de former les sages-femmes des Centres de Santé de Base (CSB) à la bonne utilisation du partogramme pendant le travail, afin que le travail et la phase dexpulsion du bébé de la femme qui accouche soient moins longs; ce qui permettrait une diminution, voire la disparition des fistules obstétricales à lavenir.

Le partogramme est un diagramme permettant de noter le déroulement du travail et de laccouchement. Il permet une évaluation de l’état foetal et de l’état maternel pendant le travail, et une évaluation de l’évolution du travail.

Systématiquement réalisé dans les maternités, le partogramme est une courbe sur laquelle le temps est porté en abscisse et la dilatation du col en ordonnée (notée en centimètres).

La sage-femme, ou le médecin, note tous les évènements marquants le déroulement du travail:

-     la dilatation du col de lutérus,

-     la hauteur de la présentation foetale,

-     le rythme des contractions utérines,

-     la couleur du liquide amniotique, après rupture de la poche des eaux,

-     le rythme cardiaque du foetus,

-     la température et la tension artérielle de la patiente en travail,

-     le ou les traitements prescrits à la patiente pendant le travail. 

 Voir par ailleurs : Lutilisation du Partogramme

Lors de la mission, je suis allée à la rencontre de sages-femmes dans deux CSB: Anivorano et Joffreville.

Ma rencontre avec les sages-femmes:

-     comment suivent-elles le travail en dispensaire?

-     utilisent-elles le partogramme? Et comment lutilisent-elles?

Au CSB Anivorano, jai rencontré Marina, une des deux sages-femmes qui y travaille.

Dans ce dispensaire il y a une salle de travail accolée à une pièce avec 6 lits dhospitalisation pour les accouchées. Marina a très peu de matériel pour travailler. Il y a environ 10 accouchements par mois dans ce CSB.

Marina fait un dossier pour chaque patiente qui vient pour accoucher. Ce dossier contient un partogramme (partogramme OMS), quelle utilise effectivement mais pas selon les recommandations de lOMS.

Les patientes sont examinées toutes les 4h avant 4cm de dilatation, puis toutes les heures après 4cm. Tous les paramètres ne sont pas notés de façon horaire comme recommandé.

Mais Marina me confie que les femmes qui viennent pour accoucher refusent d’être examinées toutes les heures et que si cest le cas elles sen vont accoucher avec une matrone. De plus, les femmes malgaches accouchent rapidement et de manière eutocique, elles font souvent des petits bébés. Ce qui fait dire à Marina que le partogramme nest pas indispensable.

Solange, la sage-femme du CSB de Joffreville, ma confirmée que les femmes ne veulent pas  être   examinées toutes les heures. Solange utilise également le partogramme, et de la même façon que Marina.

Concernant la formation sur le partogramme, jai expliqué aux sages-femmes des CSB quil était important de faire un suivi régulier du travail, et de bien remplir les différents items afin de savoir à quel moment transférer la patiente à lhôpital pour une extraction du bébé.

Les sages-femmes transfèrent les patientes à lhôpital de Diego en cas dutérus cicatriciel, de hauteur utérine exagérée, dhypertension artérielle pendant la grossesse ou pendant le travail, de poussée inefficace supérieure à 2h. Je leur ai donné des explications et informations concernant la période de poussée qui ne doit pas excéder 30 minutes.

Ma rencontre avec une matrone:

-     quest ce quune matrone?

-     quel est son rôle?

-     comment suit-elle le travail dune patiente?

La matrone est une accoucheuse, une femme d’âge mûr qui aide les plus jeunes à accoucher.

Au lieu d’être suivies par des sages-femmes et du personnel médical formé, les Malgaches qui sapprêtent à accoucher se tournent davantage vers les matrones traditionnelles. Les mères choisissent les matrones car elles sont disponibles, gentilles, attentionnées, comme une mère. Ces dernières sont dailleurs très appliquées et à l’écoute de la femme qui accouche.

80% des accouchements sont suivis par des matrones, certaines ayant bénéficié dune formation médicale, dautres pas (OMS Janvier 2013).

Les femmes se tournent vers les matrones, même si elles doivent payer 15000 Ariary pour la procédure (laccouchement est gratuit en CSB).

On est en général matrone de mère en fille. La formation reçue est purement pratique. Les accoucheuses traditionnelles nont pas fait d’études et la plupart sont illettrées. Elles se contentent de transmettre leur façon de faire et leurs petits secrets.

Les matrones sont proches des femmes de leur quartier.

A Anivorano, jai pu rencontrer Ampisora, une matrone de 60 ans environ.

Elle na pas reçu de formation organisée par lEtat Malgache, mais a été formée par sa mère. Nayant pas de fille, elle forme à son tour sa belle-fille au rôle daccoucheuse traditionnelle.

Ampisora accouche les femmes, chez elle de préférence, de jour comme de nuit. Elle évalue lavancée du travail de la femme en fonction de son état clinique, et évalue le bien être foetal à laide de massages utérins. Dès quelle trouve que le travail est trop long, ou pathologique, elle transfère la patiente au CSB, et laccompagne (mais elle ne donne pas vraiment de notion de temps). Elle reste avec la femme en salle de naissance au CSB mais passe le relais à la sage-femme du CSB pour laccouchement.

Les matrones nutilisent donc pas le partogramme, et nont pas vraiment de notion de temps dans le suivi du travail et lors de la phase dexpulsion du bébé. Pour que le travail avance régulièrement et rapidement, Ampisora (et les matrones en général) utilise une tisane (voamora) quelle fait boire à la patiente et quelle lui verse sur le torse et le ventre. Elle pratique des massages utérins pour diriger le bébé vers la sortie.

Dès que lenfant est né, le cordon ombilical est coupé avec un morceau de bambou taillé en forme de couteau. Puis le cordon est attaché avec un brin de rafia.

Ampisora me confie que les femmes préfèrent accoucher avec les matrones car elles ne veulent pas être examinées trop souvent pendant le travail, et ne veulent pas rester hospitalisées 4 jours en post-partum. Elles repartent de chez la matrone quelques heures après laccouchement et rentrent chez elles.

Suggestion:

Création dune commission sage-femme dans le cadre de lAssociation Terre Rouge France avec pour mission « Formons les matrones ».

En effet, il semblerait intéressant de collaborer avec les matrones pour un renforcement de leurs compétences dans la facilitation de laccouchement?

Une formation pour les matrones pourrait se baser sur l’évaluation clinique de la patiente qui accouche: intensité de la douleur, endroit de la douleur, agitation, ; ainsi que sur les signes cliniques durgence: métrorragies abondantes, utérus « de bois », liquide amniotique méconial, providence du cordon

Selon les sages-femmes des CSB, les matrones pourraient accepter des formations car elles sont curieuses lors de leurs visites en dispensaire, et posent beaucoup de questions afin daméliorer leur pratique.

Pour cela, la mission nécessiterait la collaboration des sages-femmes de CSB comme traductrices, car les matrones ne parlent pas français. De plus, cela permettrait un vrai travail d’équipe entre sage-femme de CSB et matrone du village.

Effectivement, Ampisora a été très curieuse et très demandeuse lors de notre rencontre. Nous avons vécu un véritable échange de techniques et de savoirs.

 

----- Anna-----

 

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